J’aurais pu faire le choix de vous écrire un article sur l’épuisement maternel avec ma casquette de professionnelle. Celle qui accompagne chaque jours des mères épuisées. Mais c’est ici un témoignage très personnel que je vous livre, car nous sommes toutes concernées par ce sujet, professionnelles ou non.
Retrouver de la joie, de la paix intérieure, de la sérénité, de l’énergie…des choses que j’ai eu le sentiment de perdre pendant plusieurs mois.
J’ai vécu une expérience d’épuisement intense dans ma vie de mère.
J’ai eu envie de vous partager mon vécu pour dire à toutes les mamans épuisées combien je les comprends. Et combien vivre l’épuisement est une expérience difficile et traumatisante
Mais surtout pour témoigner que toucher le fond permet de rebondir vers plus d’équilibre et de sérénité.
J’ai souhaité m’adresser aux femmes, aux mères dans cet article sur l’épuisement maternel. Mais chers hommes et papas, vous êtes tout aussi concernés par le sujet ! Bienvenue à tous par ici.
Je sais que ce témoignage va en surprendre certains. Car ce qui se passe au-dedans n’est pas toujours ce qu’on laisse voir au dehors. Mon entourage me voit parfois comme une super woman, conciliant vie de maman et activité pro, ayant toujours la pêche en apparence et semblant tout gérer sans trop de difficulté. Combien de fois mes amies m’ont dit « mais comment fais tu ? Tu as trois enfants, et nous on galère déjà avec un ! Et tu trouves le temps de faire tout ça ! ».
Je veux leur dire que oui, je suis une super woman, comme toutes les mamans ! Une maman qui fait tout son possible pour être présente pour ses enfants. Une professionnelle passionnée par son travail qui donne toute son écoute, son énergie, sa créativité au service de chaque famille. Mais qui a ses limites aussi…
Je vous remercie par avance pour votre bienveillance.
Me livrer sur ce sujet me tient à cœur, mais cela fait résonner en moi des moments douloureux.
Un état au-delà des limites
« Epuisement maternel » une expression que l’on entend beaucoup mais qui ne peut être vraiment comprise que lorsqu’elle est vécue. Je ne mesurais pas la puissance de cet état avant de le vivre moi-même. C’est un vécu traumatisant, où les limites les plus lointaines sont repoussées. La fatigue est devenue ma compagne de chaque jour. Je n’avais plus d’espace pour moi. Prise dans la spirale infernale d’un quotidien surchargé. J’avais des vertiges intenses à tel point que je devais m’allonger au sol plusieurs fois par jour. Des pertes de mémoire immédiate, à me retrouver sur un parking sans savoir où j’ai laissé ma voiture 5 minutes avant. Des insomnies de plus de 4h, en pleurs, à attendre le sommeil dont j’avais tant besoin. Des nuits blanches, des migraines intenses, et une incapacité à me détendre au moment où j’en avais l’occasion. Je me surprenais à rêver secrètement d’être sur un lit d’hôpital pour que quelqu’un prenne soin de moi et n’avoir plus que moi à penser.
Jusqu’à un soir où une prise de conscience terrifiante m’a traversée : « je suis en train de mourir d’épuisement ». C’était réel, je m’éteignais, je mourrais physiquement et psychiquement.
On ne choisit pas l’épuisement
Je n’ai à aucun moment choisi de tomber dans l’épuisement. Il est arrivé sournoisement, à pas de velours, s’installant au fil des semaines et des mois, m’éloignant malgré moi de la Caroline pleine de vie, de joie, d’énergie. Et mes proches savent combien ces trois éléments me caractérisent !
Mon année a été extrêmement intense sur le plan professionnel. Ceux qui me connaissent savent combien mon travail est une passion. En consultation, le plus important pour moi est que les parents sortent plus légers, plus confiants, plus apaisés que lorsqu’ils sont arrivés. Et surtout, qu’ils aient trouvé une VRAIE écoute, des solutions concrètes et personnalisées. Mais à trop donner aux autres je me suis oubliée moi-même. Certainement un « truc de soignant » à en croire les échanges que j’ai eus cette année avec nombre de mes collègues, également épuisées.
Sur le plan personnel, une vie bien remplie également avec mes trois amours. Et un conjoint accidenté qui fut alité plusieurs mois. Sans compter le contexte sanitaire, les virus, , les surprises d’arriver à l’école en découvrant que la maîtresse est absente, les classes fermées…et nous sommes malgré tout dans une école qui a tout fait pour soutenir les parents et maintenir un accueil.
J’ai pourtant toujours gardé un regard très objectif sur ma situation. Je connais trop bien l’épuisement pour me laisser duper ! Mais mon année a été tellement éprouvante que je n’ai pu l’éviter. On ne peut pas tout contrôler. L’épuisement fait parfois (souvent?) partie de la vie de parents. Et l’épuisement nous apprend beaucoup sur nous…
Etre épuisée n’est pas un signe de faiblesse, c’est souvent le contraire
Lâcher prise, pas si simple !
Pour accompagner beaucoup de mères épuisées, je vois la difficulté pour chacune d’accepter de lâcher, de ralentir, d’accepter la nécessaire imperfection dans le quotidien. C’est d’ailleurs un conseil que l’on entend souvent : peut-être que vous pourriez en faire moins ?
Mais lorsque un état d’épuisement s’installe, il devient terrifiant de « lâcher », et de se risquer à modifier les habitudes ancrées dans le quotidien. Simplement car la moindre vaguelette peut se transformer en tsunami. Une hyper-anticipation réactionnelle se met alors en place :
- Mettre plus les enfants à la cantine ? Oui, mais si c’est pour les retrouver épuisés le soir et décharger +++, cela fait peur !
- Partir un weekend en amoureux ? Oui mais rien que l’organisation de la garde des enfants est une montagne
- Faire plus participer les enfants au rangement de la maison ? Oui mais le temps et l’énergie pris à les driver gâche le bénéfice
- Changer les habitudes de sommeil d’un enfant qui se réveille beaucoup la nuit ? Oui mais le manque d’énergie fait que l’on n’arrive pas à tenir dans le temps…
La liste pourrait être encore très longue, je suis certaine que ces phrases vous parlent.
Ce « lâcher-prise » dont beaucoup parlent, nécessite une prise de distance. Ce qui est souvent extrêmement difficile lorsque l’on est au plus bas. Dans mon cas, c’est une fois une base d’énergie retrouvée que j’ai pu réorganiser certaines choses. Il y a un temps pour tout.
Les femmes sont-elles plus touchées par l’épuisement ?
Je n’ai pas envie de me justifier sur les raisons de mon épuisement. Cela m’appartient. La vie d’une mère est de base un challenge quotidien. Et aucune mère ne devrait avoir à se justifier sur le fait qu’elle est épuisée. Je me questionne beaucoup sur la place des femmes dans notre société. Nous sommes dans une transition, à la recherche d’un équilibre dans la répartition des « tâches » quotidiennes entre homme et femmes. Mais il y a encore tellement de chemin à parcourir…
Lorsqu’une femme est épuisée, on lui dit qu’elle en fait trop, qu’elle devrait accepter de « lâcher ». Lorsqu’un homme est épuisé, on l’admire pour son investissement au travail et à la maison! Je n’aime pas les clichés et je ne veux surtout pas remettre en question tout ce que les hommes gèrent. J’ai un mari hyper investi, qui s’occupe des enfants, du linge, des courses, du ménage, qui ne cherche pas à m’aider, mais à faire car ces tâches lui incombent autant qu’à moi.
Encore trop d’injonctions faites aux femmes. Elles ne sont pas toujours verbalisées, mais sont ancrées dans les mentalités. Paradoxalement plus encore dans l’esprit des femmes elles-mêmes. Nous pensons être programmées pour tout gérer. Et culpabilisons de ne pas y arriver. Alors que c’est juste humain…nous avons aussi nos limites. Combien de mères vues en consultation se lèvent toutes les nuits depuis plusieurs années pour gérer les réveils de leur enfant ? Et culpabilisent de réveiller leur conjoint car il dort et n’entend pas les pleurs du bébé…Alors que le papa serait peut-être partant ? Ce n’est pas une généralité. Mais je pense que nous sommes tous conscients, hommes et femmes de cette charge mentale qui pèse sur les femmes aujourd’hui.
Comment s’en sortir ?
Cette expérience, si éprouvante fut-elle, m’a énormément apporté ! Je suis tellement fière d’avoir traversé ce tunnel. Je me sens solide, sereine à l’intérieur et reconnaissante de tout l’amour que j’ai reçu dans cette période sombre.
L’épuisement m’a obligée à me recentrer sur moi. Questionner mes vraies priorités, et surtout, mes envies. Faire des choix. Oser quitter ce qui ne m’épanouit plus, même si cela fait peur. Retrouver l’étincelle dans des projets qui me stimulent et me passionnent.
Choisir mes enfants, ma famille, et surtout ME choisir. C’est un vrai apprentissage que de se faire passer en priorité lorsque l’on est soignant. Et un challenge lorsque l’on est maman. Mais c’est essentiel, je le sais plus que jamais. Vivre un épuisement amène à un nouveau départ. Choisir de ne plus jamais se délaisser autant, au point d’avoir cru mourir. Car lorsqu’une mère va mal, c’est toute la famille qui va mal.
Il y aura certainement d’autres périodes éprouvantes. Mais je sais que tout passe, et que je suis la seule à pouvoir trouver les solutions pour en sortir. L’entourage est un soutien précieux et indispensable. Mais pour sortir de l’épuisement, il faut accepter de cheminer, de remettre en question certaines habitudes, faire évoluer nos mécanismes émotionnels, et surtout, réapprendre à nous bichonner, nous écouter, à nous laisser de l’espace et du temps.
Une rééducation à prendre soin de soi
Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Et a nécessité une vraie « rééducation », un réapprentissage de mon corps et mon esprit. Une place à un peu de douceur après avoir connu le stress quotidien.
Je me souviens m’être notée en gros sur un tableau de la cuisine ces 3 phrases :
Profiter de la vie / Prendre mon temps / Faire ce que j’aime
J’essaie de m’y tenir même si ce n’est pas possible tous les jours, loin de là. Il n’y a pas de recette miracle pour être mère. Mais si j’avais un seul conseil à donner, ce serait de garder un peu de place pour vous chaque jour. Ne serait-ce que 10 minutes pour vous et vous seule.
Aujourd’hui j’ai retrouvé toute ma joie de vivre, de la sérénité, de l’apaisement, de l’énergie ! Je savoure tout cela à sa juste valeur. C’est si bon de me sentir vivante ! Merci de m’avoir lue, et bravo à vous, mamans d’ici et d’ailleurs pour tout l’amour que vous donnez à vos enfants, votre conjoint.e, vos familles, votre travail, vos passions. Vous êtes mères-veilleuses.
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