Accompagner les pleurs de décharge peut être très éprouvant pour les parents. Nous verrons dans cet article qu’ils ont malgré tout une utilité. Et qu’il y a des actions à mettre en place pour les apaiser.
Qu’est-ce que les pleurs de décharge ?
Les pleurs de décharge sont souvent bien connus par les parents car ils touchent de nombreux bébés ! Ce sont des pleurs intenses, difficiles à calmer qui surviennent de façon récurrente avant 3 mois. Il existe en effet une courbe des pleurs chez le tout petit, qui débute vers 2 semaines avec un pic vers 6 à 8 semaines pour diminuer progressivement jusqu’à 4 mois.
Comment les reconnaître ?
Le bébé est tendu, agité, les poings serrés, le visage crispé, rouge, les jambes repliées sur le ventre. Les pleurs sont souvent impressionnants et peuvent durer plusieurs heures d’affilée malgré toute la bonne volonté des parents qui redoublent de créativité pour apaiser leur bébé. Le caractère inopiné et imprévisible de ces pleurs est également à prendre en compte. Les pleurs débutant et s’arrêtant sans raison apparente et sans aucun rapport avec quoi que ce soit (alimentation, couches sales, tentatives d’apaisement) dans l’environnement précise la pédiatre GREMMO-FEGER dans son article « un autre regard sur les pleurs du nourrisson ».
A quoi sont dûs les pleurs de décharge ?
On ne connaît pas l’origine exacte des pleurs de décharge. Les bébés ont encore beaucoup de secrets pour la science ! Mais comme leur nom l’indique, les pleurs de décharge sont certainement liés à un besoin de décharger un excès de tensions accumulée. En effet les tout petits sont très connectés au monde qui les entoure. Il ne s’agit pas forcément de grosses stimulations, mais simplement le fait de s’éveiller au monde avec tous leurs sens mobilisent leur concentration et leur attention. Toutes ces stimulations sollicitent leurs petits cerveaux en pleine construction. Ce qui induit parfois une « surchauffe » et un besoin physiologique de décharger. Comme un bon footing après une journée dense !
Le Dr GREMMO-FEGER précise que la grande majorité des nourrissons qui pleurent n’ont aucune pathologie. Il n’y a en effet pas de douleurs ou de problèmes organiques à l’origine des pleurs de décharge. Il ne s’agit donc pas de rechercher forcément une cause à ces fameux pleurs mais plutôt de les considérer comme faisant partie de la vie d’un nourrisson.
Une étude menée par William Frey, biochimiste au centre médical Saint-Paul-Ramsey du Minnesota, spécialiste du système lacrymal, a démontré la présence d’hormones de stress (adrénaline et noradrénaline) dans les larmes humaines. Ainsi, pleurer permet au bébé d’évacuer les toxines liées au stress et ainsi de passer d’un état de tension à un état de détente. Pleurer serait donc un moyen très concret de s’apaiser pour le bébé. Mais ceci est aussi valable pour nous, les adultes ! Et plus la décharge est importante, plus elle serait libératrice selon Aletha Solter, psychologue suisse-américaine, docteur en psychologie à l’université de Californie à Santa Barbara, auteur de « Pleurs et colères des enfants et des bébés. Comprendre et répondre aux émotions de son enfant ». La psychologue conseille même avec humour « mangez beaucoup de fruits et de légumes, faites beaucoup d’exercice et pleurez à chaudes larmes au moins une fois par semaine ! ». Je mets cependant un bémol à ces propos en ajoutant qu’il est préférable de chercher à éviter une trop grande tension du bébé en étant dans la prévention des pleurs de décharge. Il y a des situations où le bébé aura besoin de décharger mais il est important de connaître quelques outils simples de prévention pour anticiper ces situations. Je vous en parle plus bas.
Pourquoi surviennent-ils le soir / la nuit ?
Les pleurs de décharge sont plus fréquents le soir, au moment où la lumière du jour diminue et en début de nuit. On les appelle d’ailleurs souvent « les pleurs du soir ». Plusieurs raisons à cela.
- Libérer les tensions accumulées la journée. Comme dit plus haut, le bébé pleurerait pour décharger les tensions et le trop plein de stimulations accumulées dans la journée. Comme s’il atteignait un seuil en fin de journée et que son corps faisait le nécessaire pour retrouver l’équilibre avant la nuit.
- La baisse de la luminosité. Certaines hypothèses nomment la tombée du jour comme un phénomène qui pourrait être anxiogène pour les bébés. Rien de scientifiquement prouvé cependant. Mais il n’est pas rare de voir certains adultes plus anxieux le soir, à distance des sollicitations et du mouvement de la journée. Alors pourquoi pas les bébés ?
- Un temps d’éveil naturellement plus long le soir. Les enregistrements de l’activité cérébrale des bébés avant la naissance montrent une période d’activité plus intense en fin de journée. A la naissance et les premiers mois, les bébés sont plus éveillés entre 18h et 22h. Cette phase d’éveil prolongée peut induire un état d’hypervigilance et un besoin de décharger.
- La maturation physiologique du cerveau et l’acquisition des rythmes. Le Dr MJ Chalamel, pédiatre spécialiste du sommeil, chercheur à l’INSERM et auteure du livre « Le sommeil du jeune enfant » précise que les pleurs du soir ont certainement un lien avec la mise en place des rythmes et de la différentiation jour/nuit chez le tout petit. En effet, cette phase d’éveil de fin de journée participerait à stabiliser le sommeil de début de nuit. De quoi donner de l’espoir aux parents !
Peuvent -ils être liés aux coliques / maux de ventre ?
Face aux pleurs prolongés d’un bébé (plus de 3h en cumulé sur la journée) il est en effet important de se demander si il n’a pas mal.
Cependant, un bébé peut présenter des crises de pleurs de décharge sans que cela ne soit lié à une douleur, digestive ou autre. C’est d’ailleurs le cas la plupart du temps. Les pleurs de décharge ne sont pas liés à un problème médical ou une douleur avérée. Beaucoup de traitements sont donnés à tort à des bébés qui n’en ont en réalité pas la nécessité.
A l’inverse, un bébé peut souffrir de gazs, de RGO, d’inconfort digestif et pleurer plusieurs heures par jour…les pleurs sont intenses, difficiles à calmer et durent plusieurs heures dans la journée.
Il est difficile d’évaluer la douleur d’un bébé et c’est important qu’un dialogue de confiance puisse s’établir entre les parents et le médecin ou pédiatre qui suit l’enfant. L’intuition parentale sera très souvent la bonne.
Comment gérer en tant que parents ?
Il est extrêmement éprouvant d’accompagner les pleurs prolongés d’un bébé. D’abord parce que le cri d’un bébé réveille chez son parent un besoin irrépressible de l’apaiser. Mais lorsque rien ne semble fonctionner malgré tout l’amour et la bonne volonté des parents, cela peut vite devenir culpabilisant. Et lorsque cela se répète tous les soirs, cela devient angoissant et épuisant.
Chers parents qui lisez cet article, sachez que vous faites de votre mieux, et que ce n’est pas de votre faute si votre bébé pleure. Ce n’est pas parce que vous loupez quelque chose ou que vous vous y prenez mal. Je suis moi-même passée par là en tant que maman et je sais combien ces phases sont difficiles.
Voici quelques actions simples à mettre en place pour aider les parents :
- Ne cherchez pas à stopper les pleurs. Parfois ce qui prend le plus d’énergie est de chercher à tout prix à contrer les pleurs, à trouver une solution. Si votre bébé a mangé, qu’il est propre, câliné, bercé, massé et que rien ne semble fonctionner, osez accueillir ses pleurs sans culpabiliser. C’est peut-être qu’il en a besoin. Souvenez vous des larmes qui permettent de décharger un excès de stress.
- Organisez vos soirées. Si vous avez remarqué que les pleurs arrivaient toujours à la même heure, n’hésitez pas à vous organiser pour être totalement disponibles pour votre bébé. Par exemple, dînez avant ou préparez un repas facile à manger que vous n’aurez plus qu’à réchauffer.
- Trouvez du relais. Les pleurs d’un bébé puisent chez les parents une grande énergie. Ainsi, il est important de pouvoir se relayer. Déjà entre parents mais aussi avec des personnes de confiance qui seront moins fatiguées et pourront accompagner votre bébé avec douceur. N’hésitez pas si cela est possible à faire un planning des soirs pendant quelques temps afin de vous permettre de souffler sans culpabiliser.
- Soyez à votre écoute. Si vous sentez que le stress monte, que vous n’en pouvez plus d’entendre les pleurs (ce qui est tout à fait humain et normal) n’hésitez pas à l’expliquer à votre bébé « je sens que je suis fatigué.e/ stressé.e/en colère….Ce n’est pas de ta faute. J’ai besoin de prendre l’air quelques minutes pour bien m’occuper de toi. Je reviens tout de suite tu es en sécurité. Je t’aime fort, tout va bien aller » Vous pouvez ainsi poser votre bébé dans son lit en sécurité pour aller souffler, crier, boire un verre d’eau et revenir plus disponible. Les parents sont souvent très stressés par le fait de laisser pleurer leur bébé. Et ce n’est évidemment pas un comportement recommandé. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Il vaut mieux poser le bébé quelques minutes plutôt que de commettre un acte regrettable par épuisement. Les conséquences du laisser pleurer sont avérées dans des situations répétées et de carence affective. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des familles heureusement.
Comment soulager bébé ?
Comme expliqué plus haut, il ne s’agit pas forcément de chercher à apaiser l’enfant car parfois la patience sera la meilleure alliée. Cependant voici quelques pistes incontournables pour prévenir et gérer les pleurs.
Pour prévenir les pleurs :
- Ajuster les temps d’éveil. En tant que puéricultrice spécialiste du sommeil je reçois de nombreux bébés sujets aux pleurs de décharge. Chez les tout petits, un temps d’éveil dure entre 30 min à 1h30 les 4 premiers mois. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre temps d’éveil et temps de sommeil pour éviter cette accumulation de tensions. J’ai créé un accompagnement vidéo permettant aux parents de bien comprendre les rythmes de leur bébé. Vous y trouverez un agenda du sommeil et des fiches pratiques concernant les temps d’éveil, les signes de fatigue et les astuces pour favoriser les siestes de votre bébé. N’hésitez pas à les consulter.
- Prévenir la dette de sommeil. Un bébé qui ne dort pas assez dans la journée peut avoir tendance aux pleurs de décharge en fin de journée. N’hésitez pas à proposer des siestes très régulièrement à votre enfant. Dans vos bras, en portage, en poussette, au sein, tous les moyens sont bons tant qu’ils vous conviennent ! Rassurez vous, vous ne donnez pas de mauvaises habitudes à votre bébé en l’accompagnant au sommeil les premiers mois !
- Evitez les surstimulations. Evitez les jeux sonores ou limitez leur utilisation, pas de TV allumée en continu également. Privilégiez les sorties en plein air en journée en évitant les centres commerciaux et les lieux très bruyants. Ce sont de petites choses mais qui ont clairement un intérêt lorsque votre bébé a tendance à être très sensible à son environnement.
- Attention aux réunions de famille. Un nouveau né est vite le centre de l’attention les premiers mois. Evitez autant que possible de passer votre bébé de bras en bras et n’hésitez pas à le garder contre vous en écharpe pour qu’il se sente rassuré lorsqu’il y a beaucoup de monde autour de lui.
En cas de pleurs de décharge :
- Lui parler. Cela soulage de parler, de mettre des mots sur votre ressenti, votre impuissance. Vous pouvez commencer par dire à votre bébé, d’un ton posé et le regardant dans les yeux « je vois que quelque chose ne va pas pour toi. Je comprends et je suis là pour toi ». Les bébés comprennent tout ! Et le son de votre voix sera rassurant pour lui.
- Garder le contact. L’astuce la plus importante ! Votre bébé se sent en sécurité contre vous. Winnicott le rappelle, « un bébé seul ça n’existe pas ! »N’hésitez pas à bercer votre bébé, le câliner, faire du peau à peau, l’installer en écharpe. Le contact physique lui permettra de sécréter des endorphines, de l’ocytocine hormone de l’amour, de l’attachement, du bien être. Le maternage à savoir la proximité étroite entre la mère (le parent) et le bébé est un moyen très efficace de prévention des pleurs. Gisèle GREMMO-FEGER l’affirme dans son article « Un autre regard sur les pleurs du nourrisson », plusieurs études mettent en évidence que la durée des pleurs est bien moindre quand les pratiques de soins favorisent la proximité mère bébé. Souvenez vous, un bébé qui pleure a besoin de réconfort, de douceur, de la présence de ses parents. Vous n’en ferez pas un bébé capricieux, parole de puéricultrice !
- Trouver des routines qui vous apaisent. Par exemple, sortez marcher le soir avec votre bébé en écharpe ou en poussette. Ou prenez un bain avec votre bébé puis enchaînez avec un peau à peau ou un massage. Ecoutez de la musique. Cela n’apaisera pas forcément les pleurs de décharge mais vous permettra d’être dans de meilleurs conditions pour pouvoir les accompagner.
- Les bruits dérivatifs. Mettre de la musique, des bruits blancs, l’aspirateur peut apaiser certains bébés. Mais surtout cela permet d’adoucir le bruits des pleurs pour le parent ce qui n’est pas négligeable pour rester disponibles à leur enfant. Certains parents mettent des bouchons d’oreille. Cela peut paraître original mais ils témoignent que cela atténue l’intensité des pleurs et ainsi leur permettent de rester plus calmes et disposés face à leur bébé. Toute astuce est bonne à prendre dans ces moments là.
- Accueillir. Si malgré tout rien ne semble fonctionner, mettez vous dans une posture d’accueil en vous prenant avec douceur. Vous avez fait tout ce que vous pouvez. Installez vous confortablement dans la pénombre, votre bébé dans les bras. Et patientez le plus calmement possible. Tout en gardant un œil sur votre état intérieur bien sûr. Vous avez vos propres limites c’est important de vous écouter.
Quand s’inquiéter / consulter ?
Le meilleur baromètre est celui des parents. Si vous vous sentez en difficulté, si vous avez des questions, ou encore si vous êtes épuisés, il est très important de pouvoir en parler à un professionnel de confiance. Médecin, pédiatre, puéricultrice, sage-femme, c’est leur rôle de vous écouter et vous soutenir. J’ai accompagné de nombreux parents épuisés par les pleurs intenses de leur bébé et je sais combien il y a urgence d’apporter soutien et douceur à ces parents. Rien de pire pour des parents que d’entendre « c’est normal qu’il pleure, c’est un bébé » ou encore « laissez le pleurer ça passera » ou enfin « c’est parce que vous êtes trop stressé.e ». Ces affirmations, en plus d’être fausses témoignent d’un grand manque de professionnalisme.
Si votre bébé semble pleurer plus que les autres, cela ne fait pas de vous un mauvais parent. Il existe une grande variabilité interindividuelle dans la quantité des pleurs. A chaque enfant sa personnalité, sa sensibilité dans qu’il y ait de normalité.
Gardez confiance en votre intuition chers parents, c’est vous les experts de votre enfant !
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