Troubles du sommeil et angoisses de séparations

Blog, Sommeil

Le saviez vous ? 

80% des troubles du sommeil chez l’enfant ont une origine émotionnelle

Sachant cela, comment peut-on faire croire aux parents que les difficultés de sommeil peuvent se résoudre à coups de méthodes, de protocoles et de dressage au sommeil ?

Lors des consultations, nous évoquons systématiquement l’histoire de votre enfant, la grossesse, sa naissance et tous les événements de sa vie et de la vôtre dont le vécu fut douloureux. 

Certains événements, lorsqu’ils ont laissé des blessures dans le cœur du parent et/ou de l’enfant, peuvent retarder voire bloquer la capacité de votre enfant à s’abandonner en toute confiance au sommeil… 

L’importance de l’attachement

Pour se séparer, il faut avoir été collé…

On pourrait résumer la théorie de l’attachement de J Bowlby avec cette simple phrase. Le nourrisson, de part son immaturité physique et psychique a besoin de collage, de proximité, de continuité d’amour et de soins de la part de sa figure d’attachement principale, ou « caregiver ». La naissance représente la séparation physique de la mère et son enfant. L’enfant, pour vivre, a un besoin naturel de s’attacher à sa figure de soin principale (en général la mère mais également toute personne s’occupant de l’enfant de façon continue, constante et stable)

La construction de la sécurité psycho-affective de l’enfant nécessite alors une continuité entre l’enfant et sa figure d’attachement au fil des mois. Le fait de répondre aux besoins exprimés par l’enfant, nourrit sa sécurité, sa confiance, et sa capacité à se séparer physiquement et psychiquement par la suite.

L’apprentissage de la séparation physique et psychique, est un processus. Le fait que l’enfant puisse se tourner vers l’extérieur et découvrir ses propres compétences, n’est possible que si son socle de sécurité affective est nourrit et suffisamment solide.

L’angoisse de séparation : étape de développement ou blessure plus profonde ?

L’angoisse comme phase de développement

Vous avez certainement déjà entendu parler de l’angoisse du 8ème mois. cet âge où l’enfant pleure lorsque vous vous éloignez, réagit aux nouveaux visages, ou recherche plus qu’à l’habitude votre présence. Cette angoisse passagère et positive est liée à la construction identitaire de votre enfant. Il ou elle prend conscience qu’il a son propre corps, et qu’il est dissocié de vous (avant cet âge votre enfant ne fait pas cette distinction).

Cette période peut se produire vers 8 mois, mais selon les enfants elle arrivera plus tôt, plus tard, sera très prononcée ou passera presque inaperçue. Il existe en réalité plusieurs périodes de « séparation-individualisation » qui entrainent ces angoisses passagères pour votre enfant, notamment vers 2 ans. D’autres événements peuvent engendrer une angoisse réactionnelle, comme par exemple les débuts à l’école, l’arrivée d’un bébé, une période de vacances où vous êtes séparés, etc.

Ces phases de développement sont totalement « normales » et mêmes positives car elles permettent à votre enfant de grandir et de découvrir peu à peu son identité propre. Cela à condition qu’elles soient accompagnées, parlées, et que votre enfant soit abreuvé de votre amour tout au long de son développement.

Quand la séparation est trop précoce…

L’apprentissage de la séparation doit donc être processus progressif pour l’enfant. Parfois, parents et enfants vivent une séparation trop brutale ou trop précoce.

Une naissance difficile ou mal vécue, un accouchement qui ne s’est pas passé comme on l’imaginait, des débuts chaotiques et éreintants, une séparation trop précoce, trop rapide qui a pu laisser un vide dans le cœur du parent et de l’enfant, et générer une angoisse à se séparer de nouveau…

Il ne s’agit pas forcément d’un événement marquant dans les faits. Cela est surtout lié à votre vécu, vos émotions et votre digestion de l’événement en question.

Parfois, l’accouchement s’est parfaitement bien passé sur le plan médical. Mais vous auriez voulu accoucher sans péridurale et on ne vous a pas écoutés. Certaines mamans disent, les larmes aux yeux : « on m’a volé mon accouchement » en se remémorant l’arrivée de leur bébé.

Suite à ces expériences de séparations trop précoces ou brutales, émane souvent le besoin de « recréer une bulle de sécurité » autour de la mère (du père) et de son enfant. Cela est souvent inconscient : « j’ai eu tellement peur pour toi que je ne te quitterai plus… »

Côté enfant, il peut avoir associé la séparation a un danger de mort : « j’ai eu tellement peur sans toi que je ne te quitterai plus… »

Chacun a besoin de réparer, panser, compenser ce qui fut trop douloureux. La séparation (et par conséquent le sommeil) ravivent constamment cette blessure encore si présente et si silencieuse à la fois. 

Dans notre société nous avons encore trop tendance à banaliser, voire à occulter tout cet aspect émotionnel. Alors qu’il est central dans les difficultés de sommeil des enfants et des adultes.

Récits de consultation

Tant d’histoires vécues en consultation traduisant une angoisse de séparation…Peut être vous reconnaitrez vous dans ces récits. Les prénoms ont été modifiés.

Thelma, « papa, maman, je suis bien vivante »

Celle de Thelma, 9 mois, qui s’endormait bercée dans les bras de ses parents. Les parents décrivaient une impossibilité à la poser, au risque de déclencher des hurlements de terreur à l’endormissement. Thelma se réveillait toutes les heures la nuit et seuls les bercements la calmaient. La maman me décrit une grossesse stressante, car le couple a vécu deux fausses couches avant l’arrivée de Thelma. De plus, une anomalie cardiaque a été détectée durant la grossesse, causant durant quelques temps une incertitude quant à l’avenir de leur fille. Et aujourd’hui, cette petite Thelma qui lutte contre le sommeil comme pour dire à ses parents « regardez, je suis bien vivante !  » Et ces parents qui, par leurs bercements et leur présence, une façon de protéger Thelma de la mort. Je revois ces parents quelques semaines après notre premier rdv. La maman me dit « j’ai pris conscience que Thelma était bien vivante, qu’elle n’est plus en danger. Et Thelma dort paisiblement maintenant.

Tom, « séparé trop tôt de maman »

Tom, 2 ans qui ne peut pas s’endormir sans la main de son papa, et qui se réveille la nuit pour rejoindre ses parents. Tom est né prématurément; Il a été hospitalisé plusieurs semaines en réanimation. Aujourd’hui Tom est un petit garçon qui va bien, il est joyeux, sa croissance est harmonieuse. Mais son sommeil a toujours été chaotique selon les dires de ses parents. Tom est né trop tôt. Au retour à la maison, ses parents ont ressenti le besoin de le cocooner, de l’accompagner au sommeil. De créer leurs petites bulles à eux après tout ce qu’ils ont traversé. Au fil du temps, ne reste que cette main tenue à l’endormissement, comme un « cordon ombilical résiduel » témoin de cette naissance prématurée. Tom n’avait pas encore découvert qu’il pouvait se séparer en toute sécurité car il ne l’avait encore jamais expérimenté. Il y a un temps pour tout : la séparation ne peut se faire que si chacun se sent prêt. Tom a maintenant pris conscience qu’il pouvait se séparer dans la douceur, en s’appuyant sur le lien d’amour, le « fil invisible « qui l’unit à ses parents. Et que tout cela était gage de vie, et non risque de mort.

Lou, Isaure et Gaspard « les enfants qui avaient peur d’être abandonnés »

Il arrive parfois que tous les enfants d’une même fratrie vivent des troubles du sommeil. C’est le cas de Lou 7 ans, Isaure 3 ans et Gaspard 14 mois. Lou a trouvé il y a peu un endormissement serein sans nécessiter la présence de ses parents mais se réveille toutes les nuits et rappelle ses parents. Isaure s’endort collée à sa maman et dort dans le lit maternel car recherche ++ la présence de sa mère. Gaspard s’endort au sein et y reste collé toute la nuit. La maman décrit un épuisement important. Elle « rêve » qu »Isaure puisse s’endormir sereinement dans son propre lit mais à chaque fois qu’ils ont tenté de l’y accompagner, cela se traduit par des pleurs très impressionnants; Les parents décrivent les pleurs d’Isaure comme « venant des tripes », « comme si on l’abandonnait ». La maman explique qu’elle a elle même dormi avec ses propres parents lorsqu’elle était enfant : « c’était comme ça ! « . Elle m’explique que sa propre mère (la grand mère des enfants) a dormi jusqu’à ses 8 ans avec sa mère. Sur plusieurs générations, les mêmes comportements autour du sommeil. Cela pourrait être culturel, ou faisant référence au système de valeurs de cette famille. Mais la maman témoigne une relation au sommeil complexe, très associée à la peur. Nous découvrirons plus tard que l’arrière grand mère de cette femme a vécu un abandon d’un de ses parents pendant qu’elle était enfant et a par la suite dormi avec sa propre mère…

Du parent à l’enfant intérieur

L’angoisse de séparation se joue rarement que du côté de l’enfant. Rassurez vous également, vos enfants n’héritent pas de toutes vos émotions et ne sont pas dans votre tête.

Cependant, il est toujours intéressant de questionner votre ressenti lorsque votre enfant peine à dormir. Quelle relation avez vous avec votre propre sommeil ? Comment dormiez vous enfant ? Qu’est ce que cela vous fait d’imaginer votre enfant dormir toute la nuit sans se réveiller ? Qu’est ce que cela vous fait d’entendre votre enfant pleurer ? Quelles émotions lorsque vous vous séparez ? Quelles images ?

Et en réponse à ces questions, de quoi avez vous besoin ?

Il s’agit souvent de votre enfant intérieur qui pleure car il a été lui même blessé.

A trop forcer la séparation, elle devient impossible. Il est souvent nécessaire de se réparer, de vivre le collage, d’expérimenter la sécurité affective pour pouvoir ensuite réapprivoiser soi-même la séparation.

Recoller les pièces du puzzle 

Souvent, en consultation, les parents me disent : “nous sommes conscients qu’il y a une angoisse de séparation, mais nous ne savons pas comment l’apaiser”.

La prise de conscience est déjà un grand pas. La mise en mots est souvent libératrice, tant pour les parents, que pour l’enfant. Je vois souvent des larmes couler. 

En glissant sur les joues des parents, elles viennent libérer un nœud émotionnel. 

Il n’est pas rare qu’après une consultation intense, où nous avons mis en mot l’histoire familiale auprès de l’enfant, celui-ci se mette à dormir le soir même. “Le puzzle est enfin complet, j’ai compris, je peux dormir”. C’est un travail respectueux et humble,  qui consiste à remettre les émotions à leurs places, chacune dans le sac à dos de son propriétaire. 

Pas besoin de méthodes qui consistent à faire pleurer votre bébé des heures durant. Tout se fait dans la douceur et le respect de votre cheminement.

Apaiser la séparation en journée

Si votre enfant semble déjà vivre difficilement la séparation en journée, c’est peine perdue de vous acharner sur son sommeil. Le mieux est d’abord d’apprivoiser la séparation de façon sécure en journée, par le jeu, et des petites expériences progressives de séparations / retrouvailles (à votre rythme).

A chacun sa temporalité…

Mon rôle est de vous accompagner pour que dormir soit doux et apaisant et non un combat et une lutte. Cela nécessite parfois un travail pluridisciplinaire et une complémentarité des approches.

L’angoisse de séparation n’est pas une maladie, ni une fatalité. Je vois tous les jours des enfants et leurs parents se libérer de leurs peurs, et avancer tellement plus confiants dans la vie.

Les troubles du sommeil des enfants sont souvent une opportunité d’apaisement pour toute la famille, parfois même sur plusieurs générations.

N’hésitez pas à prendre rdv en consultation sur mon site internet 

Les livres que je vous recommande : « Maman ne me quitte pas », B. Lemoine / « Elle est où maman? » E.Pantley

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